De la vie de militaire à celle d’entrepreneur : 28 ans après la mutinerie de 1996, le colonel Yaya Sow parle… « entretien »

DALABA-Après avoir servi sous le drapeau, le Colonel à la retraite Yaya Sow s’est établi à Kébaly (Dalaba) où il est actuellement président de la délégation spéciale de cette commune rurale. Cet artilleur de corps a fait une brillante carrière militaire. Le nom de cet officier très connu de l’armée guinéenne a souvent été lié à la mutinerie des 2 et 3 février 1996. 28 ans après, le colonel Sow a décidé de briser le silence.

Après ses années d’armes et 10 ans de prison, le natif de Kebaly a réussi une réinsertion socioprofessionnelle en se lançant dans l’entrepreneuriat. Dans sa ferme de Kebaly, nous retrouverons un homme décontracté qui a transformé ses années de prison en opportunité et non en facteur de retard et destruction. Entretien (première partie).

AFRICAGUINEE.COM : Bonjour mon Colonel ! Après le service militaire, vous êtes établis dans votre village il y a près d’une décennie. Pourquoi ce choix de replier dans votre Kébaly natal au lieu de rester en ville ?

COLONEL YAYA SOW : Tout est parti en 2015, quand toute la famille s’est réunie pour restaurer la concession familiale à Kebaly (Dalaba). C’est sur cette base. Comme je suis l’aîné et étant à la retraite, je dispose de suffisamment de temps. J’ai décidé d’être le maître d’ouvrage de la restauration de la concession ici à Kebaly. Une restauration entamée en 2015 et achevée en 2018. Donc depuis lors, je suis pratiquement établi à Kebaly. A côté, comme nous avons des domaines agricoles ici depuis le temps de mon grand-père dont une bonne partie est prêtée aux riverains pour faire l’agriculture, j’ai donc mis cette occasion à profit pour m’investir dans l’agriculture. J’ai repris le domaine ou une partie du domaine pour me tourner à la production agricole.

Mon Colonel en parcourant les vastes étendus, on découvre que vous faites du riz, du maïs, des poivrons même des potagers selon la saison. L’on sent que vous êtes devenus un grand entrepreneur agricole, au-delà de ce que vous faites vous-mêmes, nous voyons une main-d’œuvre importante derrière. Votre entreprenariat a commencé par l’agriculture ou par autre chose ?

Je peux dire que l’agriculture est venue en dernière position, chaque chose a son temps. J’étais très actif dans les domaines de la sécurité et des BTP. L’agriculture m’est venue un peu plus tard. Je vous dis tout est parti de mon retour au village.

Après le service militaire vous avez suivi des formations en entrepreneuriat pour vous reconvertir ou bien comment vous y êtes arrivés ?

Je ne l’ai pas étudié directement, je n’ai fait qu’un petit transfert de compétences en management, en gestion de l’armée, en direction d’autres activités. Comme le secteur de la sécurité est beaucoup plus proche de l’armée, j’ai créé ma société de sécurité en 2007 qui me permet de vivre jusqu’à présent avec un petit revenu et qui permet aussi d’avoir des ressources pour faire un pari en direction de l’agriculture Bio, parce que ce ne sont pas des choses faciles. Nous déployons des vigiles pour des entreprises. Présentement j’ai un contrat de surveillance des lignes électriques Kaléta-Linsan et Mamou-Labé.

Je me suis aussi essayé à l’élevage mais j’ai vite déchanté pour plusieurs raisons. Il m’est arrivé d’acheter des espèces qui malheureusement ont ingurgité des plastiques qui ont toutes péri. J’ai arrêté pour le moment.  C’est ce qui m’a d’ailleurs incité à vouloir faire de Kebaly une commune verte, une commune saine surtout du point de vue élimination des déchets plastiques. Nous allons nous atteler à ça. Hormis l’agriculture écologique, l’assainissement est un domaine important de notre volonté de faire de kebaly une commune verte. C’est vrai que j’ai trouvé Kebaly dans ce projet, je l’ai rejoint, sans demander l’adhésion de qui que ce soit. Par manque d’engrais chimiques, nous avons viré vers l’engrais bio. Quant à la commune verte, nous voulons qu’elle soit réalisable. En tout cas, nous comptons donner l’impulsion initiale. Ceux qui viendront après nous vont poursuivre cette volonté qui est assez bénéfique pour l’environnement et les populations.

Vous venez également d’être désigné président de la délégation spéciale de Kebaly. Est-ce qu’on peut dire que votre retour au village a payé ?

Je pense que ce choix m’a trouvé dans une dynamique de développement de Kebaly. Je vais rappeler que nous n’avons pas besoin d’être responsable ou le premier responsable d’une localité quelconque pour développer ou pour s’engager pour le développement d’une commune qui vous est chère. Le choix m’a trouvé dans une dynamique, peut-être cet engagement a facilité le choix. Sinon avant j’étais là aussi. J’ai apporté mon concours dans plusieurs activités sans compter que je m’implique activement dans l’association des ressortissants de Kebaly quand j’étais à Conakry. Donc de fil à aiguille, ensuite j’ai été un moment le point focal des ressortissants de Kebaly à Conakry. J’ai mon bureau à Kebaly dans ce sens. Donc pratiquement je suis connu et à Kebaly et des ressortissants par rapport au développement. Que le choix soit porté sur moi, c’est pour certaines de ces raisons-là.

Colonel Yaya Sow ! Comment la porte de l’armée s’est-elle ouverte pour vous ?

En fait, j’ai vécu avec mon oncle, Docteur Thierno Maadjou Sow qui a été président de l’OGDH, membre fondateur et directeur de l’OGDH. Il m’a pris pour m’envoyer à l’école à Labé où il était instituteur. Il a tourné un peu partout. De Labé, nous sommes partis à N’zérékoré et puis nous sommes revenus à Labé. Après je suis allé à Boké, chez un autre oncle, parce que Docteur Sow était parti en Russie à travers une bourse. J’ai fait l’examen de bourse ce qu’on appelle examen d’entrée en 7eme aujourd’hui, j’ai fait ça à Boké. Nous sommes venus à Dalaba pour faire la 7ème année. La 8ème et la 9ème  j’en ai fait à Mamou, la 10ème année à Kindia. La 11ème  et la 12ème année encore à Labé. Après l’obtention du Bac, j’ai été orienté à la faculté des sciences physiques de l’université Gamal Abdel NASSER de Conakry en 1967.  Quand nous étions en phase terminale, il y a eu le recrutement dans l’armée en 1971.

J’ai été recruté au compte de la marine. C’est dans cette vague que j’ai été choisi avec d’autres pour aller à Moscou pour suivre la formation en Artillerie en 1972, j’y suis resté jusqu’en 1975 pour rentrer avec le grade d’élève-officier avec d’autres. A mon retour j’ai eu le grade de sous-lieutenant. Je servais à la marine finalement je suis élevé au grade de commandant de l’artillerie côtière. L’artillerie côtière a été créée en réponse à l’agression du 22 Novembre 1970. Pour mémoire, les bateaux portugais sont venus stationner à nos côtes mais à cette époque la Guinée n’avait pas de possibilité de représailles. C’est par rapport à cela d’ailleurs que la révolution a voulu préparer la marine pour qu’elle soit en mesure à l’avenir de lutter contre toute forme d’évasion à partir de la mer.

Maroc

J’ai servi à Conakry tout ce temps, après la prise du pouvoir en 1984, je suis allé au Maroc toujours avec mon grade de sous-lieutenant. Je n’ai pas duré au Maroc, à mon retour je ne retiens pas en quelle année je suis devenu lieutenant plein. Mais en 1990, j’étais déjà capitaine.

Les Etats-Unis

C’est en 1990 que je suis allé pour la première fois aux Etats-Unis précisément à Texas pour la langue à Oklahoma pour l’aptitude et les cours de capitaine. En 1993 je suis reparti pour le collège d’État-Major. Là, c’était au Kansas. C’était mon dernier séjour de formation. Je suis rentré en 1994. Je suis allé passer 2 ans au front en Sierra Leone, 1994-1995. C’est l’année suivante que les mutineries ont eu lieu à Conakry.

Justement colonel, dans la deuxième partie de l’entretien nous reviendrons sur cette phase sombre de l’histoire de l’armée guinéenne qui hante encore certains esprits.

Tant mieux vous aurez tout ce que je sais et tout ce qui s’est passé sous mes yeux

A suivre !

Interview réalisée par

Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 4 juin 2024 06:30

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